Le programme :
Chostakovitch, comme nombre de compositeurs de première importance, souffre d’une image très univoque : la somme de ses compositions décrivant la vie sous le régime soviétique exclut bien facilement les autres aspects de son œuvre. Pourtant, le seul corpus des quinze Quatuors à Cordes révèle la personnalité tantôt comique, chaleureuse ou glaciale, mais toujours humaine, d’un artiste attachant et doué d’une débordante fantaisie. Ainsi, la douce sensualité du Premier Quatuor se déploie dans une forme inhabituelle, où les grandes formes sonates héritées de Beethoven cèdent la place aux nocturnes et aux intermezzos, tandis que le magique et fuyant scherzo central rappelle Mahler et anticipe Bartók. Le Cinquième Quatuor, plus russe d’entre tous selon Valentin Berlinsky (Quatuor Borodine) frappe par son ambition de condenser l’intensité sonore d’un orchestre symphonique dans les seules seize cordes d’un Quatuor. Quant au Huitième, il convient de le replacer, au-delà du mythe et de son fameux motif DSCH, dans la chronologie de sa composition : marquant avec le précédent un changement brutal dans sa façon de composer, Chostakovitch y dévoile plus de profondeur et de dénuement, prouvant que la tragédie est la plus violente lorsqu’elle dévoile un visage humain.