LE JOURNAL D'HÉLÈNE BERR
Programme
Il aura fallu 63 ans pour que soit publié le Journal d’Hélène Berr, écrit entre 1942 et 1944 par cette étudiante juive parisienne déportée à Auschwitz en mars 1944 et décédée en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp de Bergen-Belsen. Le manuscrit du Journal, conservé aujourd’hui au Mémorial de la Shoah, a été édité par les éditions Tallandier en 2008. À sa lecture le compositeur belge Bernard Foccroulle est bouleversé, saisi par ce qu'il contient de peurs, de doutes, de citations musicales et littéraires mais aussi de goût de la vie, de légèreté et d’amour. Il se lance alors dans l'écriture d'un monodrame lyrique pour voix, piano et quatuor à cordes dont le livret, qu'il termine en 2020, est tiré du Journal. Convaincue de la force de ce projet, La Belle Saison décide de créer cette nouvelle œuvre en version de concert et de contribuer ainsi au devoir de mémoire. La Belle Saison, le Quatuor Béla et le compositeur sont rejoints par la pianiste Jeanne Bleuse et choisissent la mezzo-soprano Adèle Charvet pour incarner Hélène Berr.
La création mondiale de l’œuvre pour quatuor à cordes, piano et voix, a eu lieu au Trident - Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin le 3 mai 2023, elle sera ensuite diffusée dans plusieurs lieux prestigieux et singuliers en France dont le Théâtre de Coulommiers et le Théâtre des Bouffes du Nord à Paris les 8 et 12 juin 2023.
Ce projet artistique implique divers partenaires et personnalités dont la Médiathèque Hélène Berr, le Crif, le Mémorial de la Shoah ou Mariette Job (nièce d'Hélène Berr) et donne lieu à divers événements, rencontres et ateliers autour des œuvres musicales, littéraires et cinématographiques nées du Journal d'Hélène Berr. Enfin, en décembre 2023, l’Opéra national du Rhin créera la première version mise en scène de cette œuvre par Matthieu Cruciani.
Note d'intention de Bernard Foccroulle, compositeur
Avril 1942, Hélène Berr débute l’écriture de son Journal. Âgée de 21 ans, étudiante en littérature anglaise, elle y décrit, avec une pudeur et une sensibilité extrême, son quotidien de jeune parisienne : cours à la Sorbonne, lectures et promenades, amours naissantes. Le port de l’étoile jaune, l’application des lois antijuives et la peur des rafles envahissent brutalement sa vie. Jusqu’à son arrestation en mars 1944. Elle mourra à Bergen-Belsen en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp.
Le Journal couvre deux périodes, d’avril à novembre 1942, et d’août 1943 à février 1944. Plusieurs fils rouges le traversent :
• Un témoignage exceptionnel sur la dégradation des conditions de vie des Juifs en France durant cette période, les emprisonnements et déportations.
• Le journal présente un contraste extrême entre une joie de vivre et la conscience croissante de la catastrophe collective.
• Amour et amitiés impriment également leur marque sensible sur ce journal.
• Hélène est bonne violoniste, sa sœur est pianiste, la musique de chambre occupe une place privilégiée dans leur vie et dans son journal.
• Hélène est agrégative d’anglais, son journal regorge de citations et d’analyses très fines d’auteurs anglais et français. La qualité de son écriture, pratiquement sans repentir, est celle d’une vraie écrivaine en devenir.
• Sur le plan personnel, Hélène Berr fait montre d’une générosité infinie et d’un courage exceptionnel. Son refus de la haine, y compris à l’égard des persécuteurs, est bouleversant.
Au-delà de sa dimension historique, ce journal nous atteint de plein fouet par les émotions qui nous parviennent, incandescentes.
Je ressens un vif désir et la nécessité d’écrire une petite forme lyrique (une durée d’une heure environ) à partir de ce Journal. La diversité des émotions, les citations musicales et littéraires, le goût de la vie, le témoignage sur cette époque terrible constituent autant de motivations fortes. Aujourd’hui, dans une période où l’antisémitisme reprend vigueur, où populismes, extrémismes, racismes et violences de toutes sortes se répandent à travers toute l’Europe et le monde, n’est-il pas primordial de faire acte de mémoire et de résistance contre les amnésies ?
Bernard Foccroulle